L’Union africaine adopte une charte sur la sécurité maritime

L’Union africaine adopte une charte sur la sécurité maritime

Pour lutter contre la piraterie et la pêche illégale, 31 pays africains ont adopté, samedi, un texte contraignant historique.

« Un jour, les générations futures diront que vous avez été de grands visionnaires. » Durant une courte saynète jouée en préambule de la cérémonie d’ouverture du sommet extraordinaire de l’Union africaine sur la sécurité maritime, quatre enfants prophétisent un futur à l’Afrique, devant les 17 chefs d’Etat et 38 délégations présentes à Lomé, au Togo. Quelques heures plus tard, l’Union africaine adoptera une charte sur la sécurité maritime, la première du genre dans le monde.

La salle est comble, les sons et lumières impressionnants, et la tribune immense : le Togo, pays hôte de l’événement, voulait faire étalage de toutes ses capacités d’accueil et d’hospitalité. Depuis la création de l’Union africaine (UA) en 2002, jamais le pays ouest-africain n’avait accueilli de sommet de l’organisation.

Samedi 15 octobre, c’était chose faite, et en grande pompe. « C’est l’un des sommets les plus réussis de l’UA », a commenté le président en exercice de l’organisation, Idriss Déby Itno, président du Tchad, à la fin de la journée marathon. Marathon, car tout s’est passé très vite, ce samedi : il aura suffi de moins d’une heure de huis clos pour que la charte soit adoptée par les délégations, alors qu’étaient attendues des discussions houleuses entre les pays signataires.

Sourires et points noirs

L’objectif était en effet ambitieux. Pour Faure Gnassingbe, président du Togo et organisateur du sommet, il s’agissait de rassembler l’Afrique autour d’engagements contraignants contre la piraterie, la pêche illégale, ou encore pour la promotion de l’« économie bleue ». Avec 38 pays sur 54 ayant une frontière maritime, les enjeux maritimes sont une priorité pour le continent, et plus particulièrement dans le golfe de Guinée, où 40 % du poisson pêché l’est de façon illégale et où la piraterie est devenue, depuis quelques années, la plus importante au monde.

Malgré la multiplicité des thématiques abordées, les sourires étaient de mise à la fin du sommet, une fois la charte adoptée. « On ne peut que saluer le fait que nous décidons de mettre ensemble nos moyens », s’est réjoui le président burkinabé Roch Marc Christian Kaboré, signataire du texte bien que le pays n’ait pas de façade maritime.

« C’est la première fois que tous les pays du continent se mettent d’accord sur une thématique pareille, poursuit un ambassadeur de ce pays. Ce n’est pas grave si tout le monde ne l’a pas signé, l’essentiel est qu’elle ait été adoptée. »

Le refus de certains est en effet l’un des points noirs de cette journée : sur les 52 pays représentés à Lomé, 21 n’ont pas signé le texte. Parmi eux, de nombreux pays d’Afrique de l’Est (EthiopieDjiboutiErythrée) et d’Afrique australe (Afrique du SudNamibie, Maurice, entre autres). « Il faut comprendre que ces régions sont moins touchées par la piraterie maritime, donc c’est normal qu’ils se sentent moins concernés », analyse Barthélémy Blédé, chercheur à l’Institute of Security Studies.

Des ratifications sont nécessaires

Mais le coup de théâtre de la journée réside sans doute dans le refus du Cameroun de signer le texte, alors que le pays avait pourtant organisé le sommet de Yaoundé en 2013 sur la sécurité maritime dans le golfe de Guinée. Selon des observateurs sur place, le Cameroun aurait ainsi voulu dénoncer un sommet qui ne serait qu’une redite de celui organisé trois ans plus tôt.

Pour une raison inconnue, le Sénégal n’a pas non plus ratifié la charte, malgré la présence de Macky Sall à Lomé et les nombreux cas de pêche illégale dans ses eaux territoriales et sa ZEE.

Le sommet de Yaoundé, qui avait abouti à une régionalisation des moyens de sécurité maritime, n’avait en effet pas eu les effets escomptés. Sur les deux centres de coordination régionaux prévus dans le golfe de Guinée, celui d’Abidjan – le Centre régional de la sécurité maritime pour l’Afrique de l’Ouest –, n’a pas encore vu le jour, alors que celui de Pointe-Noire, Centre régional de la Sécurité maritime pour l’Afrique centrale, affiche d’importantes lacunes techniques, selon plusieurs observateurs.

Dans le hall de l’hôtel, des remarques fusent, et la prudence est de mise. « Il ne faudrait pas que Lomé soit comme Yaoundé, et qu’on ne fasse plus rien dès que chacun est rentré chez soi après le sommet », soupire ainsi un membre d’une délégation d’Afrique de l’Ouest. « Ça n’a aucun intérêt de vouloir créer des nouveaux organes alors que des mesures existent déjà au niveau national », insiste de son côté Ousmane Diallo, de la direction du port de Dakar, au Sénégal.

Tout l’enjeu de la charte désormais adoptée réside dans son application. Qu’en feront les Etats signataires ? Quinze ratifications au niveau national sont nécessaires pour que le texte entre officiellement en vigueur trente jours plus tard. Un comité de suivi a été nommé, afin, selon le texte, de « surveiller la mise en œuvre de la charte de recommander les actions pour son suivi ».

Pour Faure Gnassingbe, qui a pris la parole en ouverture du sommet, c’est « un impératif essentiel » que de « traduire les initiatives en résultats concrets », avant d’ajouter sur un ton de promesse, devant une salle qui l’applaudira quelques secondes plus tard : « Nous garderons le cap des efforts accomplis. »

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